Une spiritualité pour notre temps
Saint Bernard est un homme d’idéal dont le récit de la vie émeut et enthousiasme aujourd’hui, tout spécialement les jeunes épris d’absolu. Issu de la chevalerie bourguignonne, il en assume les idéaux en les transformant à la lumière de l’Esprit. Saint Bernard est un maître spirituel et son enseignement demeure une école d’une vie avec le cœur. Bernard a réorienté le monachisme occidental par l’influence qu’il a eu sur l’ordre de Cluny et les fondations qu’il a entreprises partout en Europe. Rares sont les hommes dont le rayonnement a porté si loin au-delà des frontières nationales. Son action a concerné l’Europe entière et il appelé de ses vœux la concorde des nations.
Saint Bernard est l’homme du Moyen-Âge dont nous conservons l’œuvre littéraire la plus importante. Des grands traités aux lettres amicales, des conseils au Saint Père aux indignations devant les excès de la monarchie, son style direct et enlevé fait de lui l’un des plus grands auteurs spirituels de l’histoire. Saint Bernard est un homme éminemment fraternel, aux amitiés nombreuses et fidèles, orientées vers la recherche du bien suprême, dans la franchise et l’exigence morale. N’ose-t-il pas écrire au Pape lui-même : « Il n’y a ni fer ni poison que je redoute autant pour vous que la passion de dominer » (Traité de la Considération) ? Saint Bernard est considéré depuis sa mort comme un intercesseur puissant. Les pèlerinages à Fontaine n’ont jamais cessé.
LE SECRET REVELE PAR LES PLAIES (Saint Bernard de Clairvaux)
Où donc notre fragilité peut-elle trouver repos et sécurité, sinon dans les plaies du Sauveur ? Je m’y sens d’autant plus protégé que son salut est plus puissant. L’univers chancelle, le corps pèse de tout son poids, le diable tend ses pièges : je ne tombe pas, car je suis campé sur un roc solide. J’ai commis quelque grave péché : ma conscience se trouble, mais elle ne perd pas courage, puisque je me souviens des plaies du Seigneur, qui a été transpercé à cause de mes fautes. Rien n’est à ce point voué à la mort que la mort du Christ ne puisse le libérer. Dès que je pensé à cette médecine si forte et efficace, la pire des maladies ne m’effraie plus.
Il se trompait donc, celui qui a dit : Mon péché est trop grand pour que j’en obtienne le pardon. Il est vrai qu’il n’était pas un membre du Christ, et que les mérites du Christ ne le concernaient pas ; il n’avait pas le droit de les revendiquer pour lui, comme un membre peut dire siens les biens de la tête.
Pour moi, ce qui me manque par ma faute, je le tire hardiment des entrailles du Seigneur, car la miséricorde y abonde, et elles sont percées d’assez de plaies pour que l’effusion se produise. Ils ont percé ses mains, ses pieds, et d’un coup de lance son côté. Par ces trous béants, je puis goûter le miel de ce roc et l’huile qui coule de la pierre très dure, c’est-à-dire goûter et voir combien le Seigneur est bon. Il formait des pensées de paix et je ne le savais pas. Qui, en effet, a connu la pensée du Seigneur ? Qui a été son conseiller ? Mais le clou qui pénètre en lui est devenu pour moi une clef qui m’ouvre le mystère de ses desseins. Comment ne pas voir à travers ces ouvertures ? Les clous et les plaies crient que vraiment en la personne du Christ, Dieu se réconcilie le monde. Le fer a transpercé son être et touché son cœur afin qu’il n’ignore plus comment compatir à mes faiblesses.
Le secret de son cœur paraît à nu dans les plaies de son corps ; on voit à découvert le grand mystère de sa bonté, cette miséricordieuse tendresse de notre Dieu, Soleil levant qui nous a visités d’en haut. Et comment cette tendresse ne serait-elle pas manifeste dans ses plaies ? Comment montrer plus clairement que par tes plaies que toi, Seigneur, tu es doux et compatissant et d’une grande miséricorde, puisqu’il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour des condamnés à mort ?
Tout mon mérite, c’est donc la pitié du Seigneur, et je ne manquerai pas de mérite tant que la pitié ne lui fera pas défaut. Si les miséricordes de Dieu se multiplient, mes mérites seront nombreux. Mais qu’arrivera-t-il si j’ai à me reprocher quantité de fautes ? Là où le péché s’était multiplié, la grâce a surabondé. Et si la bonté du Seigneur s’étend de toujours à toujours, de mon côté je chanterai sans fin les miséricordes du Seigneur. Est-ce là ma justice ? Seigneur, je ferai mémoire de ta seule justice, car c’est elle ma justice, puisque pour moi tu es devenu justice de Dieu.
Dans Homélies sur le Cantique des cantiques, 61,3-5 (trad. Orval, Liturgie des Heures, t.1, p.486.